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La vie sans voiture(s)

« L’Halliburton loophole » européen

Dans l’ancien calendrier Romain, l’année commence au mois de mars… avec la guerre. Il n’est pas certain que cette référence à l’antique Empire européen ait influencé l’actuelle élite dirigeante du même territoire dans sa décision lourde de conséquences, mais une nouvelle date importante pour l’histoire de l’Europe est désormais à retenir au mois de mars 2014. Dans les temps anciens, les romains même arrivés au sommet de leur gloire européenne étaient encore contraints à se plier à un impératif écologique indispensable à la pleine efficacité d’une de leurs machines de guerre : disposer d’un couvert végétal libre et abondant afin d’assurer le fourrage nécessaire au cheval… Les nouveaux maitres de l’Europe, ne sont plus astreints à ce type d’exigence écologique, mais, hasard du calendrier, au début du printemps, une ligne rouge était franchie.

Le 12 mars 2014, le Parlement européen adoptait la révision de la directive portant sur les Études d’impact environnemental (EIE). « L’Europe » (des eurocrates) contre les peuples d’Europe, a arbitrairement décidé que les activités d’exploration et d’extraction des hydrocarbures de roche mère seront exemptées d’études d’impact environnemental (1). Alea jacta est « le sort en est jeté », il y a là un casus belli. Par une simple procédure de routine, le Parlement de l’Union Européenne actait une vassalité de l’Europe à l’Amérique. Elle offrait un libre accès de ses territoires aux transnationales de l’énergie et, de facto, déclarait la Guerre aux peuples autochtones. Le Rubicon était donc franchi par une violation en règle du droit à l’environnement. A partir de cette date, par décision ou trahison de plein droit de l’élite dirigeante dite « élue du peuple européen », nous pouvons faire notre deuil du « droit de l’homme à vivre dans un environnement sain »… ou nous battre.

Le casus belli est historique, il faut en prendre la mesure… Cette décision soudaine renverse toutes les analyses et prospectives même les plus pessimistes. Certains parmi les plus conscients de la crise environnementale et aussi parmi les plus critiques sur les options politiques possibles privilégiées par les sphères dirigeantes craignaient dès les années 1970 une dérive « éco-fasciste » de la gouvernance en Europe. Dans cette sombre prospective, s’il y avait sacrifice du « niveau de vie » acquis et gestion policière de la crise environnementale, il n’y avait pas d’impasse totale sur la prise en charge des contraintes écologiques vitales. D’après les données du rapport Meadow, « Les limites de la croissance », tôt ou tard, la classe dirigeante sera contrainte comme les romains pour leurs campagnes militaires de gérer et de se soumettre aux contraintes écologiques vitales. Mais à partir de cette date du 12 mars 2014 on est désormais bien loin d’une telle perspective. Le sacrifice de l’écosystème sur l’autel de l’énergie est acté par l’élite dirigeante, on est dans le « choix du pire ». La guerre prime et se fait même délibérément contre l’écosystème.

Plus globalement dans le contexte d’offensive économique des États-Unis sur l’Europe, cette « révision » se pose en préambule d’une allégeance de l’Europe au TAFTA, le traité de libre échange transatlantique. Par ce coup de force juridique des eurocrates tout devient caduque, il y a une rupture historique et il devient difficile d’envisager une transition énergétique dans le cadre actuel des institutions européennes. Le « capitalisme vert » même dans sa version autoritaire dite « éco-fasciste » n’est plus pour demain. Avec cette « révision de directive » validée par le parlement on n’a rien de moins qu’un « Halliburton loophole » européen, l’énergie est fétichisée par la classe sacerdotale des eurocrates, elle « échappe » et s’érige au-dessus des lois. On persiste dans la dynamique économique du capitalisme du désastre initiée par les États-Unis d’Amérique avec le premier choc pétrolier. La guerre des gaz de schiste est déclarée.

Par sa logique historique et ses conséquences désastreuses connues d’avance on peut y voir un « 14-18 » de l’énergie, une fuite en avant de l’élite dans le désastre. Au cours de cette « Grande Boucherie » les états-majors avaient découvert l’importance stratégique, militaire et économique du pétrole. Aujourd’hui ils sont prêts à tous les sacrifices pour perpétuer le flux de cette énergie fossile. Mais désormais, l’histoire s’écrit en temps réel, contrairement à la Grande Guerre, on connaît d’emblée qui sont nos réels ennemis.

« L’Halliburton loophole » Américain

« Aussi longtemps que l’herbe poussera… » Telle était la formule consacrée pour exprimer solennellement la perpétuité des « traités de paix » avec leurs garanties territoriales établies et signées par le gouvernement fédéral et les indiens d’Amérique. Mais au final, seules les armes ont parlé et l’histoire réelle n’a été que déportations, violations des territoires et des traités, ethnocide et génocide jusqu’à la fin de la Guerre des Indiens. Du début à la fin, tous les traités sans exception ont été violés par les représentants de l’État de la première « Grande Démocratie » alors que l’herbe continuait à pousser partout en Amérique (2)…

Avec les violations itératives, inhérentes à la logique guerrière foncière de conquête de l’ouest, les indiens ont quasiment disparu de leur terres ancestrales… Ils n’étaient pas les seules victimes, mais en ces temps lointains les crimes écologiques n’avaient pas encore droit de cité dans les annales de l’histoire… A côté des indiens, de nombreuses espèces de la faune sauvage disparurent, en deux siècles de conquête, il y a eu de multiples génocides… Cette aventure originelle continue avec la même logique mortifère d’invasions et de conquêtes territoriales. L’État fédéral en reste l’un des acteurs majeurs, garant institutionnel du statu quo mortifère des nouveaux prédateurs.

Mais les maitres d’œuvre de ces dévastations perpétuelles, actifs sur de nouveaux fronts sont désormais représentés par des puissances transnationales. En trois siècles, du Far West à ras de terre en deux dimensions, on est passé à la troisième dimension, d’abord vers les faibles profondeurs de la première ère pétrolière pour s’enfoncer de plus en plus en profondeur. Aujourd’hui, l’échelle humaine est pulvérisée et la puissance industrielle dirige la conquête du territoire vers la roche mère. La ruée vers les gaz de schiste débute aussi par une violation du « droit de l’homme à vivre dans un environnement sain ».

En 2005 Dick Cheney vice-président des États-Unis et ex-vice-président de la société Halliburton obtenait du Congrès l’exemption pour la fracturation hydraulique de satisfaire au « Safe drinking Water Act ». Cette loi pour la protection de l’eau potable votée en 1974 sous la présidence de Richard Nixon était sacrifiée sur l’autel de la course aux énergies. Cette transgression historique a reçu le nom d’ « Halliburton loophole ». Aux Etats-Unis, elle s’inscrit en continuité du « Patriot Act » par lequel les activistes écologistes pointent sur la liste des terroristes. Rappelons que Halliburton est la firme qui a mis au point la technique et perfectionné la chimie de fracturation hydraulique.

Aujourd’hui c’est une transnationale tentaculaire d’ingénierie de la guerre et de la prospection pétrolière. Elle s’active en handling logistique dans les domaines paramilitaires et « parapétroliers ». Dick Cheney son ex-vice président avec Donald Rumsfeld sont catégorisés par Naomi Klein comme des « proto-capitalistes du désastre ». Le premier mise ses billes dans les conflits armés, le second dans les firmes de biotechnologie tout en rêvant de fléaux pandémiques. Avec Georges W. Bush, ils formaient, toujours selon Naomi Klein, le trio « d’avant-garde de l’État policier privatisé » (3).

En s’alignant de manière servile sur les États-Unis, l’Europe fait pire que l’Amérique. Les peuples européens avaient gagné la bataille de l’information, le mensonge était resté confiné à l’espace médiatique. Contrairement à la Grande Guerre, où les peuples européens sont partis à la « Boucherie » « la fleur au fusil », pour le désastre des gaz de schistes ils sont entrés en résistance contre leur propre gouvernement. Nulle part dans l’Ancien Monde, la propagande n’a réussi à faire croire à l’avènement d’un « âge d’or du gaz » capable de bouleverser la géopolitique de l’énergie. C’est donc dans une « Europe » parfaitement consciente du désastre environnemental et des risques sanitaires liés à la ruée sur les gaz de schistes que les parlementaires ont voté leur Halliburton loophole.

JMS
Tours, avril 2014

(1) Basta ! « Le gaz de schiste sera exempté d’étude d’impact environnemental en Europe » Maxime Combe 20 mars 2014
http://www.bastamag.net/Union-europeenne-pas-d-etude-d
(2) « Les Héritiers de Geronimo » Shirley Keith (anthropologue indienne), La Recherche n° 14 juillet aout 1971
(3) Naomi Klein « La Stratégie du choc » « La montée du capitalisme du désastre. » Éditions Leméac/Actes Sud, 2008.



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4 Commentaires, Commentaire ou Rétrolien

  1. Jean-Marc

    Merci Jean-Marc Sérékian

    Une info hyper importante…
    avec des conséquences (désastreuses) sur notre avenir et notre réprésentation citoyenne,

    donc que je n ai vu évoquée dans aucun JT… comme il se doit…

    (par contre, si vous voulez une info sur un fait divers, ou sur un match de foot, voire sur un insolite +/- drôle, vous serez servit…)

  2. gabriel83

    Après il faut aussi voir que les forages en Europe ne sont pas à la hauteur des espérances des Gaziers, par exemple en Pologne ou plusieurs d’entre eux ont carrément abandonné leurs projets aussi il faudra compter sur notre résistance citoyenne qui est quand mêmes loin devant celle des Américains( pour exemple quand j’étais au Canada il n’ont tellement pas peur des contestataires qui n’y a pas de clôture autour des forage de Gaz de schistes).

  3. le hérisson

    Pour continuer le parallèle avec l’empire romain, je laisse votre imagination comparer un CRS avec un soldat romain que ce soit la tenue, l’équipement, les formations de combat, les conflits où ils sont utilisés …

  4. DEGOUTE

    Bravo pour votre article; évidemment, je n’avais pas vu cette info sur aucun des médias qui nous « informent ». Celà permet de voir les US et les UE sous un autre jour que la « démocratie » et le « droits de l’homme » dont ils nous abreuvent en permanence. En fait, c’est pas bête de nous avoir refilé Obama à la place de Bush et co. Il parle comme il faut et fait des beaux sourires. Tout le monde a gobé. Pendant ce temps, on a la NSA qui a mis en place le plus gigantesque programme de surveillance de tous les temps et cet impérialisme qui cherche à s’étendre partout. Ils détruiront tout. Le seul qui ne lèche pas les bottes d’Obama c’est Poutine, mais on a compris, c’est le vilain….
    J’aime bien cette phrase et elle s’applique très bien aux US : « avec des amis comme ça, on a pas besoin d’ennemis ».