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La vie sans voiture(s)

There is no alternative ?

There is no alternative: « il n’y a pas de solution alternative ». Beaucoup d’automobilistes reprennent à leur compte cette formule historiquement attribuée à Margaret Thatcher et censée expliquer que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l’échec.

Dans le domaine automobile, la formule signifie que, même si les individus voudraient faire autrement, ils sont obligés d’utiliser la voiture: « il n’y a pas de solution alternative ». Le raisonnement employé pour parvenir à cette conclusion est le suivant: les gens devant faire face à un coût de plus en plus élevé des logements et du foncier dans le centre des villes, sont obligés d’acheter en zone périphérique de plus en plus loin du centre et de ses avantages (transports en commun, commerces de proximité, services nombreux et variés, etc.) et se retrouvent donc dépendants de l’automobile.

Ce parallèle entre capitalisme et automobilisme n’est pas une nouveauté en soi, l’automobilisme pouvant même être décrit à certains égards comme le stade suprême du capitalisme, ou a minima comme un rêve de capitaliste: vendre à chaque individu sur Terre un objet de consommation de plus d’une tonne qu’il faudra changer tous les deux ans et qui ne fonctionnera que si vous l’alimentez régulièrement avec du pétrole.

C’est pourquoi, il n’est sans doute pas anodin que la formule « There is no alternative » s’applique à la fois au capitalisme et à l’automobilisme.

Et, malgré ce que l’on pourrait penser, cette formule ne reflète pas une quelconque bêtise ou un manque d’imagination. Les capitalistes et les automobilistes ne sont a priori ni foncièrement bêtes ni sans imagination.

Dans les deux cas, la formule signifie en fait l’absence de volonté d’un quelconque changement. Il n’y a pas d’alternative car il ne doit pas y en avoir. Les capitalistes ont tout intérêt à maintenir la domination capitaliste car elle sert leurs intérêts. Les automobilistes ont tout intérêt à maintenir la domination automobile car elle sert leurs intérêts.

Revenons à nos moutons automobilistes « qui n’ont pas le choix et qui doivent forcément aller vivre à Peczouilles-les-Oies » pour ne pas payer trop cher leur logement ou le terrain sur lequel ils veulent faire bâtir le projet immobilier de leur vie.

On ne leur dira pas que le projet de vie consistant à construire un pavillon standard dans un lotissement perdu au fin fond du trou du cul du monde est tout simplement lamentable car ce n’est pas la réponse qu’ils ont forcément envie d’entendre.

En outre, notre propos est de leur prouver, sur la base de leur propre raisonnement, qu’ils font fausse route et que pour cette raison, l’absence d’alternative qu’ils invoquent est en fait une absence de volonté.

Pour ce faire, voici un extrait d’une étude réalisée en 2009 par l’agence pour le développement durable de la région nazairienne (addrn) et qui s’intitule « Étalement urbain et coût de la mobilité individuelle »:

Le coût du foncier reste une variable déterminante dans les choix de localisation résidentielle, bien plus que le coût du transport ou la localisation de l’emploi. L’accession à la propriété répond à une logique patrimoniale et « sécurise » dans un contexte d’incertitude latente sur l’emploi et les retraites.

Les ménages arbitrent en fonction de leur budget, de la taille du logement, de l’environnement. Le budget consacré aux déplacements fait partie de l’arbitrage mais est généralement minoré et peu pris en compte par les banques lorsqu’elles évaluent la solvabilité des ménages.

Or le prix moins élevé du m2 excentré peut très vite être compensé par les coûts de transport. Dans certains cas les ménages disposant de deux voitures pour assumer les contraintes du mode de vie périurbain dépensent autant dans leur déplacement que dans le remboursement des emprunts immobiliers.

Cette situation a notamment été mise en évidence ans une étude de la Direction Régionale de l’Équipement d’Ile de France (DREIF) et de l’Agence départementale d’information sur le logement 75 (ADIL) montrant que l’éloignement des centres-villes n’était pas forcément rentable.

La zone centrale où le coût du logement est élevé bénéficie de facilités en matière de transport et de dessertes et offre à ses habitants un coût de transport très réduit.

A l’opposé, la zone périurbaine, accessible en matière de coût foncier aux ménages de catégories modestes ou intermédiaires entraîne un surcoût lié aux frais de transports qui peut, dans certains cas, annuler le gain réalisé lors de l’achat du logement.

Autrement dit, plus vous allez vivre loin du centre pour payer votre logement moins cher, plus vous allez payer cher vos frais de déplacement. A un moment donné, les courbes se croisent et il devient beaucoup plus onéreux de vivre loin du centre, surtout quand il faut au moins deux voitures pour se déplacer et qu’il faut en outre utiliser en permanence la voiture, y compris pour aller acheter le pain!

De plus, la crise des sub-primes a révélé aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe que la chute des valeurs immobilières était directement proportionnelle à la distance qui sépare les maisons du centre ville. Dans les grandes agglomérations françaises, le lien entre la valeur des logements et leur accessibilité est également établi. Dans le contexte actuel, les biens situés en périphérie se déprécient plus rapidement.

Et tout ceci ne tient même pas compte des tensions à venir sur le cours du pétrole. Avec la raréfaction de la ressource pétrolière et l’explosion de la demande mondiale liée aux pays en croissance rapide comme la Chine ou l’Inde par exemple, le prix du carburant est condamné à augmenter de manière continue au cours des prochaines années. Les périurbains cumuleront donc un coût du déplacement automobile de plus en plus élevé avec un patrimoine immobilier de plus en plus déprécié.

Sur le graphique précédent, on constate parfaitement l’augmentation continue des dépenses totales liées au logement et au transport plus on s’éloigne du centre de Paris.

Il y a comme un problème: les gens s’éloignent de plus en plus du centre des villes pour payer moins cher et finissent au bout du compte par payer plus cher! Ce qui est au passage scandaleux car ce sont souvent des ménages plutôt pauvres qui s’éloignent le plus des centres pour pouvoir accéder à la propriété et qui se retrouvent pris à la gorge entre remboursements des emprunts et frais exponentiels liés à la voiture.

Un des problèmes, évoqué dans l’étude de l’addrn, est la méthode d’estimation de la solvabilité des ménages par les banques quand elles accordent des emprunts: le coût du transport est peu ou même pas du tout pris en compte. Et on se retrouve ensuite avec des ménages accédant à la propriété en zone périurbaine à qui les banques attribuent des prêts sur 25 ou 30 ans en basant la mensualité sur le tiers des revenus du ménage. Pour le reste, mettez de l’eau dans votre réservoir!

Toujours est-il que l’argumentaire des automobilistes tombe justement à l’eau: on ne peut pas dire que les gens sont obligés d’aller vivre loin du centre pour payer moins cher si au bout du compte ils payent plus cher! Dans ce contexte, les automobilistes ne sont pas captifs de l’automobile, ils se rendent captifs de l’automobile: c’est donc un choix.

Et à partir du moment où il s’agit d’un choix, il y a donc des alternatives.



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4 Commentaires, Commentaire ou Rétrolien

  1. BIKEMAN

    Excellent article, comme d’hab…
    Après, il est bon aussi de s’intéresser aux causes qui poussent les populations à fuir la ville, un endroit bruyant, pollué, peu sûr…
    et tout ça à cause de…. l’automobile qui nous pourri la vie!!

  2. FRANCE

    Oui, on est vraiment là au coeur du problème !

  3. LEGEOGRAPHE

    Très bon, merci !
    Bikeman a raison, certains bouderont cet espace urbain auquel ils participent pourtant pleinement et mochement…

    Les fonctions d’estime du logement semblent être proches de certaines fonctions d’estime de l’automobile… Montrer qu’on est proprio, ou montrer qu’on en a une grosse : bref, montrer un statut social, être quelqu’un qui a réussi et qui « arrive » à le montrer… D’où l’endettement inhumain pour certains…

  4. Excellent article. Mais on est à la recherche d’alternatives crédibles qui ne pourront plus être monomaniaque : le tout voiture individuelle électrique, le tout transport en commun. Il faut inventer ces alternatives : voir à ce propos mon site qui propose des solutions et des systèmes de mobilités : http://www.fiscalite-environnementale.net/categorie-11344305.html