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La vie sans voiture(s)

Peugeot sauve la planète !

“En septembre au salon d’l’auto
ils vont admirer par milliers
l’dernier modèle de chez Peugeot
qu’ils pourront jamais se payer…

La chanson de Renaud est toujours d’actualité, si ce n’est que le “Salon de l’Auto” s’appelle désormais “Mondial de l’automobile” (ce qui change évidemment tout) et ne se tiendra pas en septembre, mais entre le 2 et le 17 octobre prochain à Paris.

Et comme l’ensemble de la presse ne manquera pas de vous le seriner en boucle, Peugeot-Citroën va y présenter la première petite voiture française 100% électrique ! Alléluia ! Le Saint Graal de la “croissance verte” ! Sarkozy et Borloo en ont rêvé, Peugeot l’a fait ! Et tout le monde pourra en profiter dès le mois de décembre, jetez-vous dessus, y’en aura pas pour tout le monde ! Ha ha, vous en dites quoi, les décroissants ricaneurs, hein ? Ça vous en bouche un coin ! Tout le monde va bientôt pouvoir rouler sans polluer, et en faisant un pied de nez au Peak Oil ! Zéro litre aux 100 ! Et c’est français, en plus ! Tiens, ça valait bien un petit arrangement fiscal

Hola, hola ! Faudrait tout de même pas croire ce que racontent les JT ! Ou du moins fortement le relativiser.

Tout d’abord, la voiture n’est pas française. C’est une Mitsubishi, juste un peu bricolée pour décrocher 4 étoiles au crash test, et à laquelle, comme sur les premières Mercedes Classe A, on a greffé un dispositif électronique ESP pour compenser sa tenue de route naturellement proche de celle du fer à repasser, et éviter qu’elle ne se retourne à chaque virage serré, ce qui ferait mauvais genre.

L’engin est du reste fabriqué au Japon, j’espère que personne ne le répétera à Sarkozy, ça lui ferait de la peine, lui qui croit que les voitures françaises sont encore fabriquées en France, et a dilapidé 6 milliards d’argent public (“prime à la casse” non comprise) pour aider ces miséreux. C’est marrant, mais “de mon temps”, les voitures japonaises étaient contingentées par décision politique à 3% du marché…

Faudra pas lui dire non plus, mais la prochaine Renault Electrique, qui va sortir l’année prochaine, sera quant à elle fabriquée en… Turquie !

Grâce à cet artifice peu glorieux, Peugeot-Citroën va donc pouvoir chanter les louanges de son service recherche et développement et nous inonder de pub sur cet exploit technologique.

Venons-en aux faits : la Mitsubishi “I-Miev”, donc rebadgée “Peugeot Ion” et “Citroën C-Zéro” est un pot de yaourt à vocation urbaine, qui entre dans la catégorie des autres pots de yaourt de la marque, les “Peugeot 107” et “Citroën C1”, qui sont eux fabriqués en Slovaquie. Même gabarit (la Ion est tout de même 50% plus lourde…) , même habitabilité, mêmes performances. Sauf que la 107 est propulsée par un petit moteur à essence bruyant et polluant de 68 chevaux, alors que la Ion utilise un moteur électrique silencieux et sans rejets toxiques de 64 chevaux. Elle doit par ailleurs être plus agréable à conduire en ville en raison de son couple moteur important et constant, qui supprime en outre l’obligation de changer de vitesse.

Il y a une autre “petite” différence. On peut trouver la 107 à moins de 8000 euros, ce qui n’est objectivement pas cher du tout. Encore que… S’il fallait mettre dans la balance les cotisations sociales slovaques qui ne rentrent pas en France et les allocations versées en France aux ouvriers de l’automobile licenciés, il faudrait revoir le calcul

Pour la Ion, c’est plus radical : elle coûte 35 000 euros. Et même si l’État (en faillite, rappelons-le), est prêt non seulement à en acheter une bonne poignée pour se doter d’une image “verte” et même à donner une prime de 5000 euros aux futurs heureux acheteurs, ça nous fait encore 30 000 euros… Remarquez, si l’État remplace ses 607 par des Ion, ce sera une opération financièrement neutre et écologiquement compréhensible. Mais je doute que ce soit le propos…

Putain, 30000 euros ! Pour cette fortune, on peut acheter 4 Peugeot 107 ! Heureusement Peugeot, dans sa grande mansuétude, prévoit une formule de location de… 500 euros sur 5 ans… Et après avoir fait un premier chèque de 5000 euros… C’est pas demain que le smicard va troquer sa 107 pour une Ion, qui ne devrait séduire que quelques bobos friqués soucieux de montrer à la face du monde à quel point ils sont concernés par la préservation de l’environnement…

Autre “détail” qui les différencie : l’autonomie. Avec son petit réservoir de 35 litres, la 107 doit pouvoir parcourir plus de 500 km d’une traite. Et refaire le plein en quelques minutes. La Ion, c’est plus spécial. L’autonomie annoncée est de 150 km. Enfin, quand il ne fait pas trop chaud ou trop froid. Car si on utilise la clim, ou pire, le chauffage, la consommation électrique est multipliée par 2. Bref, compter 75 km maximum. Ce qui peut se concevoir pour une voiture à l’utilisation occasionnelle. Sinon il vaut mieux oublier, car faire le plein demande 8 heures. Il y a aussi la possibilité de recharger en 30 minutes à 80%, à condition de disposer d’une prise spécifique à forte puissance, qui non seulement n’existe pas en pratique, mais pire, pour laquelle il n’y a aucune norme. Imaginez que tous les constructeurs s’y mettent, et que chacun d’eux ait sa propre norme de prises…

Quand à l’échange standard de batterie dans une station, qui a été évoqué, il vaut mieux oublier. Outre que la batterie pèse 200kg (bonjour la manutention) , je suppose que l’opération n’a pas grand chose à voir avec le changement d’une pile dans une lampe de poche. Sans oublier que chaque batterie sera spécifique.

Sur l’aspect “écologique” de la voiture, gaussons-nous encore un peu. La fabrication de toute voiture, fût-elle électrique, nécessite plusieurs quintaux d’acier, de plastique, des produits chimiques à la pelle, des milliers de litres d’eau… Sa présence en ville s’accompagne d’embouteillages, accrochages, stationnement problématique, et empêche de rendre la ville aux piétons, aux vélos, ou aux transports en commun. Elle y est de toute façon importune.

Car si elle ne rejette certes plus aucun de ces gaz puants et polluants qui étouffent l’atmosphère, contribuent à l’explosion des maladies respiratoires, des cancers et du réchauffement climatique, il ne faut évidemment pas croire que l’électricité qui va l’alimenter est produite par le Saint Esprit ! Ni par des éoliennes ! Si un jour les voitures 100% électriques font leur trou (et il faudrait pour cela beaucoup trop de conditions pour que cela se produise rapidement, Peugeot ne voit pas plus de 5% du marché “électrisé” en 2020…), il faudra bien la produire, cette électricité, et construire à tour de bras de nouvelles centrales nucléaires… Ou alors au charbon… Dans tous les cas, bonjour l’écologie… D’autant que la production problématique de lithium promet aussi de nouveau désastres écologiques.

Bon, arrêtons de se moquer. De toute évidence, cette voiture est aberrante, et n’aura guère d’autre ambition que publicitaire. D’ailleurs, Peugeot travaille sur un autre projet, techniquement encore bien plus aberrant, mais commercialement bien plus prometteur : l’hybride diesel. Surenchère technologique, on va ajouter un moteur électrique au moteur diesel existant, moyennant quelques centaines de kilos supplémentaires, une électronique sophistiquée qui va immanquablement, Peugeot n’étant pas Toyota, tomber en rade à tout bout de champ (les difficultés de mise au point et les retards associés en attestent). Le prix final sera sûrement proche de celui de la Ion, mais la voiture sera utilisable “comme avant”, pour partir en vacances à Palavas, et devrait consommer (un peu) moins que le diesel équivalent.

Payer 500 euros par mois pour un pot de yaourt dont la vocation se limite à rouler quelques km en ville, voilà où nous mène la “croissance verte”. Rappelons aux futurs propriétaire qu’un abonnement annuel aux transports en communs de l’agglomération de Metz coûte 33.60 euros par mois, alors qu’à Paris, un “pass navigo 6 zones”, qui couvre l’ensemble des transports publics d’Ile de France, coûte 123.60 euros.

[Tiens, au fait, la voiture à air comprimé n’est encore pas sortie cette année !]



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8 Commentaires, Commentaire ou Rétrolien

  1. stefanopoulos

    Le développement de la voiture électrique en France ne peut se faire sans le recours au nucléaire. Qui dit nucléaire dit uranium. Qui dit uranium dit pillage de l’Afrique.

    L’actualité récente (enlèvement des salariés d’Areva au Niger) est là pour nous le rappeler. Cet événement a au moins le mérite de mettre en lumière les dégâts provoqués par la filière nucléaire française en Afrique (corruption massive, désastre écologique, main d’oeuvre locale réduite à l’esclavage, etc).

    Acheter une voiture électrique aujourd’hui, c’est donner son accord pour qu’Areva continue ses méfaits au Niger. Car la filière nucléaire française est dépendante à 100 % de ses importations d’uranium. Si demain, on n’a plus d’uranium, la p’tite Peugeot, on n’en parlera plus et ce sera tant mieux !

  2. Nicolas

    Quel visionnaire ce Renaud !
    À 2:20 de la vidéo on voit la Peugeot Ion rouler sur un couloir de bus. Bravo, ça commence bien !

  3. Pim

    @Stefanopoulos et de manière générale : Hervé Kempf nous parle du Niger et de l’indépendance énergétique
    http://www.reporterre.net/spip.php?article1295

  4. revilio

     » elle (la ion )s ‘inserre facilement dans le trafic d’une voie rapide (un couloir de bus!!!…)… »où est le trafic dans ce clip de propagande ??

  5. BromptonAddict BromptonAddict

    La voiture électrique, cela peut marcher en Israël notamment car il y a une volonté forte de ne pas dépendre du pétrole arabe.
    Renault s’appuie d’ailleurs sur ce pays pour développer un chantier pilote.
    Etant donné leur fort taux d’ensoleillement, il faudrait qu’ils le combinent à du photo-voltaïque.
    Mais est-ce une technologie intéressante écologiquement, rien n’est moins sûr!

  6. Guillaume

    64 * 1.34 = 85.76 Kilowatts.

    Donc en gros, quand tu t’inseres dans une voie de circulation, tu consommes plus que ta maison avec tous les fours, lumières et radiateurs allumés en même temps.

    Ça donne une idée du cout de revient au KM…

    C’est dommage que lorque l’on parle d’automobile, les KW deviennent des chevaux.

  7. Guillaume

    Euh, c’était 48 KW, désolé (il fallait diviser par 1.34)… Mais ça ne change rien au problème :)

  8. Hervé

    Bonjour,

    C’est vrai que la voituire électrique n’est vraiment pas idéale :

    - Sur le plan technique;
    - Financier;
    - Humain / développement soutenable;
    - Ecologique / développement durable.

    Je ne peux qu’approuver tout ce qui est écrit…

    Mais aussi me demander, que peux t-on faire de nouveau tant que la R et D sur les énergies est verrouillée par les grands groupes du cac 40 ?

    Car à la base, tout n’est aujourd’hui que question de finance et de profit immédiat… sauf erreur de ma part…