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La vie sans voiture(s)

« Tout fonctionne »…

Soit notre modeste tâche de maintenir en éveil la pensée, de garder le feu, s’il n’est pas trop tard. De démontrer au mieux pourquoi la bagnole, si elle n’est pas le seul fléau technique, symbolise cependant le mieux cet abandon de ce que l’homme possède de plus propre, et participe le plus à la domination technique du monde, en tant qu’objet le plus répandu, le plus tyrannique et le plus obsédant de la Terre, comme le fut autrefois la Croix.

Extrait de l’Entretien entre Martin Heidegger et le Spiegel (1966) :

Spiegel : Il est bien évident, quand on regarde, que l’homme, en tout temps, n’arrive pas à s’en sortir avec son outil, voir l’apprenti sorcier. [étrange traduction¹] Est-ce que ce n’est pas un peu trop pessimiste de dire : nous ne nous en sortirons pas avec cet outil assurément beaucoup plus grand qu’est la technique moderne ?

Martin Heidegger : Pessimisme, non. Pessimisme et optimisme sont dans le domaine de la réflexion que nous tentons en ce moment des prises de positions trop courtes. Mais surtout – la technique moderne n’est pas un « outil » et n’a plus rien à voir avec des outils.

Spiegel : Pourquoi devrions-nous être à ce point terrassés par la technique ?

Martin Heidegger : Je ne dis pas terrassés. Je dis que nous n’avons encore aucun chemin qui corresponde à l’être de la technique.

Spiegel : On pourrait cependant vous opposer tout à fait naïvement ceci : qu’est-ce qu’il s’agit de maîtriser ici ? Car enfin tout fonctionne. On construit toujours davantage de centrales électriques. La production va son train. Les hommes dans la partie du monde où la technique connaît un haut développement ont leurs besoins bien pourvus. Nous vivons dans l’aisance. Qu’est-ce qui manque ici finalement ?

Martin Heidegger : Tout fonctionne. C’est bien cela l’inquiétant, que ça fonctionne, et que le fonctionnement entraîne toujours un nouveau fonctionnement, et que la technique arrache toujours davantage l’homme à la Terre, l’en déracine. Je ne sais pas si cela vous effraie, moi, en tout cas, cela m’a effrayé de voir maintenant les photos envoyées de la Lune sur la Terre. Nous n’avons plus besoin de bombe atomique, le déracinement de l’homme est déjà là. Nous ne vivons plus que des conditions purement techniques. Ce n’est plus une Terre sur laquelle l’homme vit aujourd’hui. J’ai eu récemment un long entretien en Provence avec René Char, le poète et le combattant de la Résistance, comme vous savez. Dans la Provence on installe en ce moment des bases de missiles, et le pays est ravagé d’une façon inimaginable. Le poète, qu’on ne peut certainement pas soupçonner de sentimentalité ni de vouloir célébrer une idylle, me disait que le déracinement de l’homme qui a lieu là-bas signifie la fin, si une fois encore la pensée et la poésie n’accèdent au pouvoir sans violence qui est le leur. [...]

Extrait de « Sérénité », dans Questions III (1959) :

« [... ] En attendant, toutefois — et nous ne savons pas pour combien de temps —, l’humanité sur cette terre se trouve dans une situation dangereuse. Pourquoi ? Est-ce pour la seule raison  qu’une troisième guerre mondiale peut éclater brusquement et qu’elle entraînerait la destruction complète de l’humanité et la ruine de la terre ? Non pas. Un danger beaucoup plus grand menace les débuts de l’âge atomique —  et précisément au cas où le risque d’une troisième guerre mondiale pourrait être écarté. Étrange assertion !… Étrange sans doute, mais seulement aussi longtemps que notre méditation ne s’y arrête pas.
Dans quelle mesure a-t-elle un sens ? Dans la mesure où la révolution technique qui monte vers nous depuis le début de l’âge atomique pourrait fasciner l’homme, l’éblouir et lui tourner la tête, l’envoûter, de telle sorte qu’un jour la pensée calculante fût la seule à être admise et à s’exercer.
Quel grand danger nous menacerait alors ? Alors la plus étonnante et féconde virtuosité du calcul qui invente et planifie s’accompagnerait… d’indifférence envers la
pensée. Et alors ? Alors l’homme aurait nié et rejeté ce qu’il possède de plus propre, à savoir qu’il est un être pensant.
Il s’agit de maintenir en éveil la pensée.
[...]« 

Soit. Soit notre modeste tâche de maintenir en éveil la pensée, de garder le feu, s’il n’est pas trop tard. De démontrer au mieux pourquoi la bagnole, si elle n’est pas le seul fléau technique, symbolise cependant le mieux cet abandon de ce que l’homme possède de plus propre, et participe le plus à la domination technique du monde, en tant qu’objet le plus répandu, le plus tyrannique et le plus obsédant de la Terre, comme le fut autrefois la Croix.

Évidemment, Heidegger ici « s’attaque » à la technicisation du monde « en général », et cela n’aurait a priori aucun sens de s’attaquer uniquement à la bagnole, à moins de compter sur un « effet domino » entraînant dans sa fin la fin du nucléaire et autres saloperies. Mais c’est dans la mesure où le bagnolisme est présent à chaque seconde de la vie d’un citadin, et dans la mesure où c’est sur le transport des hommes et des marchandises que repose en grande partie la puissance du capitalisme, qu’il est le fléau qui doit finir en premier. Il serait vain de se demander lequel, du bagnolisme ou de la production d’énergie nucléaire, a le plus de compétences pour défigurer la Terre. Pourtant, c’est bien sur le déplacement motorisé que repose entièrement le capitalisme moderne. Durant des milliers d’années, les hommes de toutes les cultures, de toutes les civilisations, ne se déplaçaient pas à plus de 30 km/h au maximum. Vers le milieu du XIXe siècle, cela devint tout simplement  ringard, dépassé, et surtout fatigant, après que le christianisme moribond ait martelé plus de 1500 ans que l’homme n’est qu’esprit parce que le corps c’est caca. Une grande fatigue se propage alors sur la Terre. L’homme occidental ne supporte plus rien. Les jambes, c’est le mal. Le cheval, c’est le mal. La calèche, le bateau à voile, la bougie, la nuit, c’est le mal. La nuit, on fait des cauchemars mais en plus on voit rien, merde, quoi, c’est pas une vie ! Alors qu’on pourrait travailler plus pour travailler plus grâce à la sainte Électricité !

Alors il s’agit d’éradiquer ce mal, car cette civilisation douillette ne supporte plus rien. La vie, c’est le mal. C’est pourquoi on veut le paradis des automates et la fin de la souffrance, une fois pour toutes. Plus le moindre chatouillis, tout doit disparaître ! « La promesse du progrès conduit au refus de la condition humaine et au dégoût de l’art de souffrir », disait Illich — au dégoût du noble art de souffrir, bien sûr, pas de l’ignoble pleurnichage et du vil sado-masochisme chrétien. Oh oui mon Dieu fais-moi mal ! Ouch ! ça pique ! Le christianisme a été un bon ouvrier de ce refus et de ce dégoût. Merci le christianisme, religion du mépris de la vie par excellence !

Enfin la vue d’une bagnole, toujours ce même objet, présent à chaque instant où que porte le regard de l’homme, aliène, vide l’esprit et le monde de toute poésie. Ce bruit, toujours ce même bruit, aliène l’homme au point où il ne soupçonne même pas cette aliénation, conditionné qu’il est à la laideur. Plus d’oiseaux dans les villes, arbres prisonniers du béton… nous arrivons au néant.

« Effondrement et dévastation trouvent l’accomplissement qui leur convient, en ceci que l’homme de la métaphysique, l’animal rationale, est mis en place comme bête de labeur. Cette mise en place confirme l’extrême aveuglement de l’homme touchant l’oubli de l’être. [...] La bête de labeur est abandonnée au vertige de ses fabrications, afin qu’elle se déchire elle-même, qu’elle se détruise et tombe dans la nullité du Néant. »²

L’homme est donc réduit à n’être plus que travail, à n’être qu’une abeille travailleuse se revendiquant fièrement comme telle. Le travail servile et avilissant n’est plus une honte. Et c’est l’argument ultime pour prendre sa bagnole : « je dois aller travailler. »

Quant à nous, qui « savons », pouvons-nous seulement mesurer le degré d’absurdité dans lequel nous sommes immergés ? Pouvons-nous mesurer quelle est notre détresse d’habiter un monde vidé de poésie, tartiné de bitume ? Et pourtant nous persistons à lutter, alors que la dépolitisation des masses poursuit son oeuvre afin que chacun, riche et pauvre, aspire aux mêmes rêves impoétiques, rendant chaque jour plus improbable un sursaut de ce vieux délire que même nos grands-pères ont oublié… la « lutte des classes » ? S’il est trop tôt et que « chaque chose advient en son temps », devons-nous pour autant attendre et nous contenter de demi-mesure ? Devons-nous nous résigner au fatalisme parce que « les esprits ne sont pas prêts » à la « révolution » qu’est le simple fait d’abandonner sa bagnole ?

Car c’est bien devenu un « événement », aujourd’hui, pour un citadin, que d’abandonner sa bagnole, alors que 80 % au moins des habitants des villes fait le plus souvent moins de 3 km. Moins de 3 km. Souvent même un. Ne mentez pas, bagnolards, ne niez pas. À quoi bon ? Tout le monde sait, allez. C’est là, à chaque instant : toute la famille harcèle la jeunesse pour qu’elle passe « le » permis, parce que « c’est bien utile », « c’est bien pratique », « c’est indispensable » ².

La jeunesse anti-bagnole essuie une telle haine, un tel mépris quand elle « jure » ne pas avoir besoin de voiture, et pire, haïr cet objet, que c’est à se demander si le cas des bagnolards n’est pas psychiatrique. Mais non. C’est juste la médiocrité et la fatigue. Des hommes fatigués, sans autre idéal que le travail. Arbeit macht frei !

Mais il faudrait leur laisser le temps, à ces rouages qui font fonctionner l’immonde machine à détruire, qui sont cette machine ? Les mêmes rouages qui font fonctionner cette machine sont justement ceux qui sont si généreusement indignés devant une marée noire en Louisiane et appellent au boycott d’une compagnie pétrolière, comme si un tel événement était un dysfonctionnement, alors que ce dysfonctionnement est justement ce qui assure le fonctionnement normal de la machine ! Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs ! Bagnolards, vous êtes les marées noires !

« Pour les plus modérés, dit Howard Zinn dans L’impossible neutralité, l’activiste se comporte avec une telle rudesse qu’il rend tout compromis impossible, s’aliène ses partisans et fait obstacle à la réforme souhaitée au lieu d’en accélérer l’avènement. » Zinn cite Garrison à propos de l’esclavage des Noirs : « Exigeons l’abolition immédiate aussi ardemment que possible puisqu’au bout nous n’aurons qu’une abolition progressive.«

Howard Zinn, pour tout ce qui concerne les revendications sociales de la deuxième moitié du XXe siècle, était le premier à entraîner ses élèves vers une manifestation à la fin ou à la place d’un cours. Et il demandait :

« pourquoi l’activiste radical devrait-il édulcorer son propos ou son programme pour plaire à cette partie de la population que rien ne peut satisfaire — sinon l’abandon total des exigences morales — et dont l’intérêt personnel exige le rejet de toute réforme quelle qu’elle soit ?«

L’abandon total des exigences morales. Bagnolards, c’est ce que dont vous êtes coupables en prétendant que vous n’avez pas d’autre choix que de prendre votre bagnole pour aller travailler : vous dites qu’il n’y a pas de solution, ou en tout cas qu’elle ne peut pas venir de vous. Les coupables  sont l’étalement urbain, l’État, et les urbanistes. Mais pas vous ? Il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre ? Donc c’est une fatalité. Donc vous êtes fatalistes. Par conséquent vous êtes tout sauf modérés, comme vous vous flattez de l’être.
Par conséquent, les extrémistes, c’est vous.

1. La traduction est de François Fédier, aux Éditions Gallimard (dans Écrits politiques — 1933-1966). Il en existe une autre, de Jean Launay sous le titre Réponses et questions sur l’histoire et la politique, Martin Heidegger interrogé par Der Spiegel.

2. « Dépassement de la métaphysique », dans les Essais et conférences.

3. Voir http://carfree.fr/index.php/2010/08/05/de-la-difficulte-a-affirmer-son-anti-automobilisme-en-public/



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17 Commentaires, Commentaire ou Rétrolien

  1. joshuadu34

    belle réponse, Minou, à ceux qui, sans arguments, continuent à venir tenter de jeter un discrédit qu’ils n’ont pas la capacité de jeter, les arguments étant par trop légers…

    J’irai même, concernant ceux qui ne « peuvent pas » changer les choses, plus loin que toi, et je l’ai dit dans un autre commentaire, ailleurs : Ils ne sont pas que des extrémistes (même s’ils le sont aussi, je te rejoint là dessus), et ils ne sont surement pas victimes, comme ils se plaisent à le croire et à tenter de le faire croire !

    Ils sont même pires que ceux qui dirigent, parce que ceux qui dirigent ont, au moins, l’excuse de tirer un profit certain, même si hautement immoral, de ce qu’ils font. Ces messieurs « jepeuxpas » n’ont même pas cette excuse ! Ils sont le bras de la destruction alors qu’ils n’ont rien à tirer de cette destruction, si ce n’est la caresse de leur maître ! Ils ont bien moins à tirer, en tous cas, que s’ils oeuvraient pour un monde de partage sans pillage ! Ils sont même, quand le système est attaqué et vacillant, le bras armé de ce système alors qu’ils ont tout à gagner de sa chutte ! Mais pour le comprendre, encore faudrait-il qu’ils cherchent à réflechir par eux même, ce qui est loin d’être le cas ! Ils laissent cette réflexion à d’autres, à ceux qui ont tout intérêt à ce que le système perdure, parce qu’on leur a dit que réflechir, c’était dur…

  2. « Howard Zinn, pour tout ce qui concerne les revendications sociales de la deuxième moitié du XXe siècle, était le premier à entraîner ses élèves vers une manifestation à la fin ou à la place d’un cours. Et il demandait :
    « pourquoi l’activiste radical devrait-il édulcorer son propos ou son programme pour plaire à cette partie de la population que rien ne peut satisfaire — sinon l’abandon total des exigences morales — et dont l’intérêt personnel exige le rejet de toute réforme quelle qu’elle soit ?« »

    Tout à fait d’accord avec ce point de vue, c’est d’ailleurs aussi une autre formulation de la théorie du tape-cul chère à Randhal Ghent:
    http://carfree.fr/index.php/2008/04/07/l%e2%80%99equilibre-de-randy/
    Nous avons une exigence de radicalité, ce qui ne veut pas dire « extrémisme ». Au passage, pour info, l’extrémisme est un terme utilisé pour qualifier une doctrine ou attitude (politique ou religieuse) prônant l’action par tous les moyens pour arriver à ses fins… Or, il ne s’agit pas d’agir par tous les moyens pour parvenir à nos fins. A contrario, les partisans acharnés de l’automobile sont semble-t-il prêts quant à eux à tous les moyens possibles pour parvenir à maintenir une société et un système qui marche à l’envers…

    Pour revenir sur la « radicalité », à l’heure où les grandes associations de « défense de l’environnement » optent pour des positions que l’on pourrait qualifier de « gouvernementales » (Cf Grenelle de l’environnement), au moment donc où critiques du système et représentants du système semblent quasiment sur les mêmes positions, il est plus que jamais nécessaire de radicaliser nos attentes et nos revendications si on veut avoir ne serait-ce qu’une chance d’obtenir un dixième de ce que nous demandons…

    A nous d’inventer, de proposer des alternatives crédibles qui montrent que la vie sans voitures est non seulement souhaitable, mais aussi possible et avantageuse pour le bien de tous et de la planète.

  3. Pim

    @Carfree : j’avais repéré exactement le meme passage que toi dans l’article.. Néanmoins, je ne suis pas du même avis (ni d’accord avec la théorie du tape cul).
    Je pense au contraire qu’en ne communiquant pas sur nos revendications, ou uniquement de manière radicale, personne ne comprend nos motivations.
    Comprendre le mouvement Carfree n’est pas simple pour un ‘novice’. Après tout, on nous explique tellement quotidiennement que la voiture électrique c’est propre, que ca va sauver le monde blablabla, qu’on y croit forcément. (Pour illustrer, j’ai un ami qui se dit écolo qui rêvait d’une prius il y a encore 1 an. Il est pourtant loin d’être stupide, mais il ne s’était pas posé ou peu le problème de la provenance de l’énergie électrique, du lithium, des émissions grises, des ressources nécessaires à la production d’une nouvelle voiture etc.). Bref, si ces notions sont évidentes pour les habitués du site, ca ne l’est pas pour tous.
    Ainsi je dirais : « ON NE NAIT PAS ECOLO ON LE DEVIENT ». D’abord admirateur de YAB et NH (haaaa, ces fameux débats qui font rage sur Carfree), on se rend compte que la voiture électrique ne résoudra pas tout, que depuis tout petit nos parents nous avaient habitué à ne surtout pas faire 10m sans s’aider de la voiture et qu’on pourrait ptet faire autrement, qu’il faudra plein de centrales nucleaires pas si propres pour passer à l’électrique, ou des centrales à charbon à l’étranger. Et que ca fait 30 ans qu’on en parle et que rien ne sort. Et puis, il y a la guerre en Irak, la guerre pour le pétrole, ca fait un peu réfléchir.
    On lit un peu, on s’instruit. Et soudain et on comprend que dans un monde fini, on sera forcément un jour à cours de ressources à vouloir toujours plus. Et on se rappelle des hommes des cavernes, les décroissants, ces radicaux, ces extremistes, ces débiles, ces attardés. On fait une ou deux recherches internet sur le mouvement, on lit, on se document, on s’instruit. Et hop, on franchit une étape. Et on se rend compte qu’ils sont pas si cons, et que leurs motivations sont acceptables. Et qu’en plus, être décroissnt, ca n’a rien à voir avec le fait d’arrêter de se laver!
    On continue un peu, et hop, on découvre plein d’autres choses, notamment qu’il existe des gens qui prétendent qu’on peut se passer de la voiture. etc. etc. Oui, mais c’est pas pour moi, pas MA voiture! c’est pour des cas très particuliers seulement. Ha et pis finalement, quand j’y réfléchis, combien de parcours autos je pourrais éliminer dans ma ptite vie bien rangée? ha oui quand meme, tout ca. Et du coup, si je louais une voiture juste pour quand c’est ‘indispensable’. Ha oui, et ca me couterait en plus beaucoup moins cher!

    Tiens, à force de lire carfree & greenpeace & fne & consors, je me suis rendu compte à quel point le gaspillage était omniprésent! on transporte tout en camion etc. etc. maintenant j’achèterai local et si possible bio…

    J’arrête là l’exemple… je pourrais continuer. Mais, il me semble évident que beaucoup de gens ont une volonté réelle de « défense de la planète & d’écologie » mais qu’ils en restent au stade de « la voiture électrique c’est bien » parce qu’ils n’ont jamais cherché à creuser plus que ca. Pour reprendre la métaphore du tape-cul, ils sont proches du pivot. Si personne n’est proche de pour les amener au bout du tape cul, ils resteront proches du pivot sans jamais n’avoir aucune chance de peser dans la balance!

    Au final, chacun sa théorie : est ce qu’une minorité doit taper fort pour basculer le tape cul? ou alors au contraire, est ce qu’on doit amener une majorité au bout du tape cul pour renverser naturellement la balance?

  4. Minou

    Pim, ce que tu dis sur les « novices » – potentiellement écolos ou susceptibles de le devenir par le biais de plusieurs déclics – me paraît très improbable, pour la simple raison qu’ils ne formeront jamais un poids politique considérable. Mais j’espère me tromper !

    Je fais la supposition que ceci est un fait (bizarre comme phrase, tiens !), bref : la masse laborieuse, les esclaves sont les plus nombreux ; ils n’ont pas le temps de lire ou de penser, ni même d’être curieux. Cela s’appelle l’aliénation, je n’ai rien inventé, c’est un fait, ils sont là, dans la rue, nos esclaves. Ils sont dans les usines des zones industrielles, loin de toute notion de « contrat de travail » et d’humanité

    [expérience personnelle : un jour j'ai été esclave 3 heures dans une usine d'une zone industrielle, j'ai demandé à partir avant l'heure car je n'étais plus humain, le patron m'a dit : "ah, tu as travaillé pour moi ? pas de preuves, byebye".
    Avant de partir, j'avais ralenti la cadence des tâches qui m'étaient demandées (porter des barres de fer, les accrocher, tremper des plaques dans de la soude et en respirer les vapeurs).
    Bref, un des esclaves qui étaient là (moi j'étais là en intérim pour aider ces deux cons à faire le travail de cent bêtes de labeur) est devenu rouge parce que j'avais ralenti la cadence : "Moi ça fait 18 ans que je bosse ici en intérim et en CDD ! Travailles !". Il était sur le point de me tuer. Une colère d'esclave, quoi !].

    Désolé pour la longue parenthèses. Bref, ils sont dans les magasins, dans les fast-food… Ils sont aliénés par le travail. Leur vie n’est que travail. Il faut reconnaître qu’il y a, en France par exemple, des millions d’esclaves qui n’ont pas le temps de penser. Quant à la « classe moyenne », y en a-t-il une ? Esclaves aussi ! Ils veulent travailler, c’est tout ! Nietzsche disait en 1880 que « le travail est la meilleure des polices ». C’est on ne peut plus vrai aujourd’hui.

    Alors je ne dis pas que la théorie des déclics de la conscience (« on ne naît pas écolo, on le devient ») est fausse, mais il me semble, selon toute logique, qu’elle mettra 300 ans à s’appliquer. D’ici là…hein…

  5. Moa

    Pim, le cheminement que tu décris est extrêmement parlant. Bravo. Pour ma part, je m’y retrouve.

    Concernant la fin, à savoir : « Mais, il me semble évident que beaucoup de gens ont une volonté réelle de « défense de la planète & d’écologie » mais qu’ils en restent au stade de « la voiture électrique c’est bien » parce qu’ils n’ont jamais cherché à creuser plus que ca. »

    Je ne pense pas que la raison pour laquelle ils ne vont pas jusqu’au bout de leur réflexion (qui doit amener logiquement à un changement de mode de vie -au minimum-) soit juste « parce qu’ils n’ont jamais cherché à creuser plus que ca. ».
    Le confort égoïste avec comme précieux allié le déni en sont les principales raisons.
    Certains intervenants ici en sont l’illustration frappantes.
    Comment expliquer le déni de certains intervenants ici malgré tous les arguments imparables qu’on leur sert? même pas un début de réflexion! comment expliquer qu’il n’y ait pas plus de converti dans mon humble entourage? pourtant à l’écoute et me disant « oui effectivement tu as raison, c’est vrai ! c’est le bordel… etc » mais qui s’empressent de tempéré certains aspects -sans argumenter pour autant- juste parce que cela touche d’un peu trop près à un aspect de leur confort qui leur est cher?

    Je pense que les gens changeront quand ils y seront obligés… pas avant.

    Et j’espère que je me trompe quant à la vision pas très optimiste de mes congénères.

  6. Moa

    L’aliénation décrite par Minou, parfaitement entretenue par le système, n’aide pas non plus.

    L : « tiens jetes un oeil à cette conférence de Christian Vélot, ca dure que 2 heures, ca donne des clés pour comprendre, pour aller plus loin, pour contredire même… et au final ca peut changer ta vision des choses, de la vie… et donc ca peut changer ta vie et celle de ta famille »

    les zotres : « ah ouais super »

    Quelques temps après :
    L : « tu l’as regardé? »

    les zotres : « ah non, pas le temps, je suis crevé-e »

    (pas pour regarder des merdes à la téloche généralement)

    Ce que je décris n’est pas une caricature et n’est pas unique. Non, non, loin de là.

  7. Pim

    Je me doutais que j’allais lancer le débat avec ce commentaire ;-)
    Mais c’est avec plaisir.
    @Minou, je dirai : est aliéné qui veut. Et si tu penses vraiment que les gens sont si aliénés et qu’ils n’ont pas le temps pour penser, alors pense pour eux, aide les dans leur démarche. (Un peu comme le fait rono en leur vendant du ZE quoi….–> Je suis pour utiliser les memes armes marketting/comm que les entreprises et les politiques, meme si je les déteste car elles sont utilisées trop souvent à mauvais escient)
    Pour MOA, tu as entièrement raison sur le confort! On n’aime jamais changer ses petites habitudes. On a déjà tellement à faire (aliénation, TF1, tout ca). Ceci dit, changer de voiture pour une plus récente, c’est peut etre un petit confort pour mes fesses, mais alors c’est très inconfortable pour mon porte monnaie.
    Sinon concernant les trolls de passage sur carfree, ce sont quand même des gens de l’autre côté de la balance (des pro rallyes, pro 4×4 etc.). Parfois je me demande comment ils font pour être autant de mauvaise foi!

    A rester radical (que les non initiés changeront péjorativement par extremistes), on ne peut rester que d’éternels raleurs insatisfaits. « Haaa ces gros cons de 4x4eux qui nous font chier!!! ha cette politique capitaliste! ha cette publicité bagnolarde greenwashed !!! ». Sans jamais parvenir à aucun résultat, alors que pendant ce temps là, l’autre côté du tape cul gagne toujours du terrain et bétonne un peu plus les dernières prairies verdoyantes.

  8. Moa

    PIM : » Et si tu penses vraiment que les gens sont si aliénés et qu’ils n’ont pas le temps pour penser, alors pense pour eux, aide les dans leur démarche. »

    Pour ma part, comme dit précédemment, ça ne bouge que superficiellement. Je continue à en parler mais je ne crois plus en cette méthode, mais je continue.

    PIM : « tu as entièrement raison sur le confort! [...] Ceci dit, changer de voiture pour une plus récente, c’est peut etre un petit confort pour mes fesses, mais alors c’est très inconfortable pour mon porte monnaie »

    Lorsque la plupart considère que tu leur enlèves ce qu’ils considèrent comme confortable, ils refuseront tout changement et nieront que leur mode de vie est préjudiciable à une majorité (loin de leurs yeux…). Confort égoïste et déni. C’est ce que je voulais dire.

    PIM : « A rester radical (que les non initiés changeront péjorativement par extremistes), on ne peut rester que d’éternels raleurs insatisfaits. « Haaa ces gros cons de 4×4eux qui nous font chier!!! ha cette politique capitaliste! ha cette publicité bagnolarde greenwashed !!! ».

    La radicalité que je vois sur ce site, n’est pas ce que tu dépeins à mon avis. Elle est argumentée, censée, force de proposition… les insultes fusent lorsque le « n-importe-quoi-de-mauvaise-foi-d’une-betise-affligeante » pointe le bout de son nez.

    PIM : « Sans jamais parvenir à aucun résultat,  »
    Si il y a des résultats. Pour le sujet qui nous occupe, la transformation de Bogota en est un parfait exemple. Et il doit y en avoir d’autres.

    Je pense qu’il n’y a pas assez de personnes ayant les c… d’apporter des alternatives radicales.

    alors que pendant ce temps là, l’autre côté du tape cul gagne toujours du terrain et bétonne un peu plus les dernières prairies verdoyantes.

  9. Moa

    PIM : « alors que pendant ce temps là, l’autre côté du tape cul gagne toujours du terrain et bétonne un peu plus les dernières prairies verdoyantes. »

    oups j’ai cliqué trop vite….

    Ben en fait rien à dire, faut que je lise avant cette théorie du tape-cul… ;-)

  10. J’avoue que je ne comprends pas bien le débat… J’entends présentée par exemple la voiture électrique comme une position « écolo » (sous-entendu: un peu plus exigeante que ce que le système propose). Mais ce n’est pas vrai ! la voiture électrique est aujourd’hui une position « officielle », défendue par le gouvernement et par les industriels!
    Et donc, si on en revient à la théorie de Randy, à quoi cela sert-il, en tant que site comme carfree par exemple, de proposer la voiture électrique comme une solution ou même comme un moyen de faire venir les gens à des options un peu plus radicales par la suite? Si c’est pour défendre la position du gouvernement et des industriels, autant fermer tout de suite le site et faire autre chose!
    Et je ne partage absolument pas l’idée selon laquelle la « radicalité » nous isolerait, c’est tout le contraire et je vais essayer de le prouver de trois manières:
    1: qu’est-ce que la radicalité en matière de transport et de mobilité? Sur ce site, il y a un slogan simple: la vie sans voiture(s)! C’est une évidence pour un petit nombre de gens (pour l’instant) et c’est pourtant radical pour le plus grand nombre!
    2: être radical sur les positions de transport et de mobilité (pour ce qui nous concerne sur ce site, mais c’est aussi valable pour tout autre domaine), ce n’est pas seulement s’adresser au grand public, au gouvernement ou aux industriels; c’est aussi s’adresser directement aux grandes associations officielles de défense de l’environnement et faire ainsi pencher la balance vers d’autres alternatives. C’est tout le sens de la théorie de Randy: exiger beaucoup permet d’obtenir un peu, exiger pas grand chose permet d’obtenir… rien! En défendant des positions radicales, on amène indirectement des associations plus officielles à réviser leur position sous peine de voir leurs positions résumées aux positions gouvernementales…
    3: être radical, enfin, c’est aussi attirer l’attention, tirer les gens, les médias et les associations de leur léthargie, cette léthargie qu’on déplorer tous sur ce site! Et même si c’est en choquant, en provoquant et en suscitant une première réaction de défense ou de rejet de la part de gens qui ne veulent pas remettre en cause leur mode de vie… Car au bout du compte, il en reste toujours quelque chose… Montrer quelque chose de radical, c’est à mon avis plus questionner les attitudes, les comportements et les modes de vie que de rester dans une position moyenne qui au bout du compte, conforte tout le monde dans ses choix et ses façons de faire…

  11. Pim

    Carfree, je ne remets aucunement en cause la radicalité du site, ni sa nécessité. Je dis juste que pour passer de TF1 à Carfree, il y a beaucoup d’étapes nécessaires à franchir car sinon c’est très violent et indigeste. Ca prend aussi un peu de temps de comprendre que la vie sans voiture, c’est pas si marginal, si impossible et si inconfortable!
    Or, ici on tire trop souvent à boulet rouge sur les sites moins radicaux, alors que ce sont eux qui peuvent nous apporter du poids et du soutien,

    CARFREE : « exiger beaucoup permet d’obtenir un peu, exiger pas grand chose permet d’obtenir… rien! » .C’est exact dans une certaine mesure. PAr contre, si on propose une solution trop radicale, elle parait tellement utopique qu’on te rit au nez, et on n’obtient rien non plus. Il faut rester un peu réaliste parfois.

    @MOA : pour Bogota, je n’y suis jamais allé, mais je demande à voir. Je suis sur que tout n’est pas aussi rose que c’était décrit dans l’article… (Enfin j’espère avoir tort sur ce point!)

  12. Moa

    PIM : « PAr contre, si on propose une solution trop radicale, elle parait tellement utopique qu’on te rit au nez, et on n’obtient rien non plus. Il faut rester un peu réaliste parfois. »

    Le « on te rit au nez » est au final anecdotique par rapport aux bénéfices qu’il y a, à ce que certaines des idées radicales soient reprises par des acteurs plus fédérateurs et qui ont pignon sur rue.

    Ou encore… : les acteurs fédérateurs devront radicalisés un peu plus leurs propositions s’ils ne veulent pas passer pour des tièdes. Si tu ne proposes pas d’idées radicales, ceux qui sont entendus -ou écoutés- n’auront pas besoin de radicaliser leurs idées et donc le tiede triomphera et ne fera rien avancer.

    De plus, l’intéret est d’avoir un discours radical mais réaliste. Comme l’a repris Randall Ghent : “soyons réalistes, demandons l’impossible”

    Sa position se défend sans problème, je trouve.

  13. « ici on tire trop souvent à boulet rouge sur les sites moins radicaux, alors que ce sont eux qui peuvent nous apporter du poids et du soutien »

    Sauf qu’on reprend ici beaucoup d’articles venant, par exemple, du WWF, des Amis de la Terre, de FNE, du RAC, de la FNAUT, etc.

  14. vincent

    je crois aussi que l’on peut vivre sans voiture mais pour l’instant il n’y a que très peu de moments pendant lequel je n’entends pas leur bruit!!!
    comment réussir le miracle d’arrêter ce cauchemard?
    seule la fuite (en voilier) m’a permis d’y arriver; avoir le temps réel, un abri!
    pour ce qui est de faire passer la volonté de vivre sans voitures avec seulement sa volonté en choisissant ses alternatives à d’autres personnes; c’est mission impossible parce qu’ils ont toutes les raisons les plus faciles pour ne pas nous écouter de nous suivre voir de nous encourager dans cette lutte contre Goliath les machines à poser du béton à étaler des marées noires sur notre terre qui nous nourrit!!
    ce soir je suis AMAPiens enfin et viva la vélorution

  15. H.C

    Je ne savais pas où poster ce lien, il atterrira donc ici!

    http://www.youtube.com/watch?v=OyWbrr8-77k

    Vous verrez comment est créé l’argent et ses conséquences. Je conseille de surtout regarder les 3-4 premières parties, la fin est moins intéressante car la perspective proposée est comme toujours technologique, par contre le début est TRES instructif…

  16. Tiphaine

    « Bagnolards, vous êtes les marées noires ! »

    Juste excellent!

  17. cycliste alcoolique

    @PIM
    « Carfree, je ne remets aucunement en cause la radicalité du site, ni sa nécessité. Je dis juste que pour passer de TF1 à Carfree, il y a beaucoup d’étapes nécessaires à franchir car sinon c’est très violent et indigeste. Ca prend aussi un peu de temps de comprendre que la vie sans voiture, c’est pas si marginal, si impossible et si inconfortable! »
    Je te rejoins. Passer de l’etat consumeriste-a-fond-les-ballons-bagnoles-tf1 au carfree-decroissance ne se fait pas en une etape. Ce changement est plus naturel si il se fait progressivement. J’ai d’abord lu Jean-Marc Jancovici et Hubert Reeves, ecoute NH et reagrde YAB avant de me dire que je pourrais (au moins) essayer le velo. C’est petit a petit, une fois convaincu, que je me suis interesse aux Paul Aries & Co. Maintenant c’est evident que j’ai a present un autre regard sur NH et YAB, mais je continue a penser qu’ils ont leur importance, et restent une etape accessible a tout le monde.